Lorsque Claude Nougaro
(1929-2004) avec lequel il se découvre de belles affinités lui demande, en
2002, d’illustrer les Fables de Jean de la Fontaine, il crée
de nouvelles articulations entre les apologues du fabuliste, les chansons de
l’auteur-compositeur-interprète et son propre itinéraire poétique. Quelques
années auparavant, le comédien Michel Galabru (né en 1922) et l’écrivain
Roland Topor (1938-1997) l’avaient invité à prêter son pinceau à des lectures
publiques. Cette dispersion de genres ne
présente-t-elle pas un danger ? L’œuvre reste très cohérente. Il ne veut
d’ailleurs pas d’une direction unique et reconnaissable. Ce qui l’intéresse,
c’est sauter, changer, attraper l’arc-en-ciel de son désir… L’apparence varie
certes, mais il parle toujours de la même chose.
Le
principe vital du mouvement selon Yann Rivron
Par
Claude Darras
(novembre 2013)
Excepté l’épopée ionienne, les
portraits d’atelier et le foisonnement de paysages de la Dombes, la femme lui
permet d’exprimer toute l’étendue de son vocabulaire dans un domaine où il
excelle : la sensualité. Les entrelacements de corps au bord de
l’érotisme, leurs ondulations et frottements très lents et très lascifs d’une
beauté inouïe, la fluidité des voiles qui déshabillent l’anatomie jusqu’au
vertige, la gestuelle sauvagement sculptée des courtisanes libèrent les
rêveuses voluptés d’une ivresse débridée et païenne. Portraitiste intuitif et
sensible, il saisit fébrilement, sur de petits cartons verticaux, l’attitude et
la psychologie de modèles, féminins et anonymes. Il parvient à en rehausser les
traits fondamentaux jusqu’à révéler l’expression, fugace, de ce qui n’est pas
visible. Son regard est également lucide quand il brosse sa propre image,
prétexte à une métaphysique de l’autoportrait.
Les matériaux du peintre ne sont
jamais sophistiqués, préfabriqués. Traditionnellement, il utilise l’huile,
l’aquarelle, l’encre, la sanguine et le pastel. Est-ce pour échapper au danger
de l’esthétisme, de la joliesse, qu’il varie, à partir de 1985, la trame de ses
papiers, qu’il en multiplie les formats et qu’il intègre la gouache et le
pigment brut broyé en poudre au bénéfice des techniques mixtes ? Sans
doute, et il lui semble beaucoup plus opportun de parler de la manière dont il
se sert de ses outils et de ses matériaux que de ses intentions. L’important ce
n’est pas le sujet expérimenté dans le tableau, mais plutôt les formes, les
couleurs, les textures et l’imaginaire qui transcende la réalité